Théo Mroziewick & Christine Perez
L’hôpital gériatrique des Sources de Nice a mis en place en 2016 un partenariat avec l’association Trisomie 21 (T21) pour faciliter l’intégration de travailleurs handicapés au sein de l’établissement. Depuis 4 ans, Christine, responsable d’animation, travaille en binôme avec Théo, porteur d’une trisomie 21, devenu assistant animateur. À travers son parcours, Théo a démontré qu’il disposait de compétences humaines et professionnelles enrichissantes, tant pour les résidents que pour l’équipe.
« Il y a très longtemps, ma mère est passée à la télé alors que je n’étais encore qu’un bébé, raconte Théo. Elle s’inquiétait et demandait en interview au journaliste : est-ce qu’un jour mon fils aura un métier ? » Ce qui n’était encore qu’un rêve lointain pour tant de parents d’enfants en situation de handicap est aujourd’hui possible. À 25 ans, Théo, porteur d’une trisomie 21, est assistant animateur en CDI au sein de l’unité de soin de longue durée (USLD) de l’hôpital des Sources de Nice.
Dans ce service où vivent 75 personnes âgées dépendantes, le jeune homme a des missions bien précises et indispensables au bien-être des résidents. « Le matin, quand je sors du bus n°5 et que j’arrive à l’hôpital, je prends le courrier des résidents, et je commence la distribution. Je leur lis le journal en faisant une revue de presse, en choisissant des thèmes. Je finis toujours avec l’horoscope. Je leur dis : ‘attention à vos amours mesdames !’ C’est la petite rigolade, les résidents apprécient. Ensuite, je rejoins Christine pour l’aider à préparer l’activité de l’après-midi ».
Christine est la tutrice de Théo. Arrivée dans l’établissement en 1987, elle est passée du métier d’agent de service à celui de responsable animation. Son rôle au sein de l’unité est de créer des ateliers pour les résidents tout au long de la semaine et de mettre en place des évènements. Lorsque Théo intègre l’établissement en 2017, Christine se porte volontaire pour devenir sa tutrice. « Être tutrice, c’est accompagner l’autre, lui apprendre des choses, explique Christine. Il y a un très bel échange entre lui et la personne âgée. Théo a fait un très beau parcours malgré pas mal d’embûches. Il se forme en continu. Aujourd’hui, il est sûr de lui et sûr dans son poste. Il a su aller jusqu’au bout ».
Pourtant rien n’était joué d’avance. Et la réussite de Théo tient autant à sa détermination qu’au travail collectif et bienveillant mené par un ensemble d’acteurs : d’un côté l’hôpital — de la direction aux équipes soignantes, en passant par la référente handicap — ; de l’autre l’association Trisomie21 et l’éducatrice référente de Théo qui reste en contact régulier avec le jeune homme et Christine. Ce partenariat noué en 2016 entre l’établissement et l’association Trisomie21 a permis à Théo d’intégrer le service après plusieurs mois de sensibilisation, de réunions et d’échanges avec les équipes. Malgré tout cela, il a encore fallu quelques mois pour que chacun s’habitue à la présence de Théo et apprenne à le connaître. « Christine a dit un jour à quelqu’un de l’équipe qui me disait : ‘il est handicapé celui-là. ‘Non, Théo est comme tout le monde, capable et autonome’. Ça m’a marqué. » Cinq ans après, en regardant en arrière, Théo et Christine sont fiers du chemin parcouru :
« - Au tout début, j’avais un peu peur c’est vrai. Je voulais avoir un métier. Il fallait que je m’intègre dans la société. Mais c’était dur, admet Théo.
- Oui au départ, nous étions parfois en désaccord, mais c’est normal et les choses ont bien évolué. Des fois, il peut encore arriver un peu en colère, ou alors complètement guilleret. Mais même le négatif peut être positif, on peut le transformer. Le but c’est de ne pas laisser en plan quelqu’un en difficulté. Je sais qu’on a cru en moi dans mon parcours alors moi, je crois en les autres, insiste Christine.
- Avant, je n’imaginais pas le travail comme aujourd’hui. Un métier, ce n’est pas seulement avoir un emploi, c’est aussi savoir pourquoi je travaille et gagner en confiance. J’ai appris à aller vers l’autre, à dire bonjour, à être respectueux, responsable et autonome. Aujourd’hui, je sais que j’apporte quelque chose à la personne âgée.
- Ça c’est vrai. D’ailleurs, des fois, je te cherche dans les services…
- Oui, c’est vrai. Parfois, elle me cherche partout parce que je suis en train d’échanger avec les personnes âgées. »
Avec le temps, Théo a également bénéficié de formations pour gagner en compétences dans son métier d’assistant animateur. Il a appris à organiser des activités, des jeux, ou des repas festifs, à gérer des activités manuelles en collectif ou en individuel. Théo l’assure, « aujourd’hui je me sens intégré ». OETH a accompagné son intégration en finançant le tutorat et en contribuant au développement de ses compétences. Cette expérimentation inclusive menée à l’hôpital des Sources a d’ailleurs reçu le prix de l’innovation 2017 de la FEHAP. Prochaine étape pour Théo, « trouver un appartement et emménager avec Alice », avec qui il partage sa vie « depuis plus d’un an et demi ».
Ce reportage a été réalisé à l'occasion des 30 ans de l'association OETH en 2021.