Alice Casagrande

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« L’inclusion des personnes en situation de handicap dans l’emploi, n’est ni un boulet ni un devoir, c’est une chance ! »
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Alice Casagrande

Spécialiste des questions d’éthique et de maltraitance, Alice Casagrande est présidente de la Commission pour la promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance des personnes vulnérables et membre du groupe éthique et sémantique du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées (CNCPH). Elle plaide pour une nouvelle vision du handicap dans la société et le monde du travail, résolument optimiste. 

Pouvez-vous nous retracer votre parcours ? 

Je suis diplômée de l’institut d’études politiques de Paris, de l’Université de Cambridge et titulaire d’un DEA de philosophie éthique. La philosophie éthique, c’est ma passion depuis l’adolescence. Après mes études, j’ai monté une association pour accompagner les professionnels dans les secteurs de la psychiatrie et de la gériatrie autour de ces questions d’éthique et de valeurs. C’est là que j’ai commencé à travailler sur la lutte contre la maltraitance des publics vulnérables, ce qui m’a amené à rejoindre l’ANESM (agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médicaux sociaux, qui a intégré 2018 la HAS, Haute Autorité de Santé) pour coordonner l’élaboration des recommandations sur la bientraitance et la maltraitance. Comme le terrain me manquait, j’ai décidé de rejoindre la Croix-Rouge française en 2009 pour coordonner la politique qualité et la lutte contre la maltraitance au sein de l’association. De 2014 à 2021, j’ai occupé le poste de directrice de la formation, de l’innovation et de la vie associative à la FEHAP, Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés à but non lucratif. Je suis à présent consultante indépendante.
En parallèle, je suis engagée dans des missions d’intérêt général. Je suis présidente de la commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance et récemment j’ai participé à la CIASE, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église catholique.

À quelle occasion avez-vous croisé la route d’OETH ? 

À la FEHAP, je m’occupais des questions de formation et de montée en compétences des salariés, mais aussi d’innovation et de bonnes pratiques. C’est là que j’ai connu le travail réalisé par l’OETH, qui est une formidable chance pour notre secteur. C’est un facilitateur dans l’innovation et la recherche de financements. L’OETH est un outil de proximité à échelle humaine qui connaît bien nos métiers, nos contraintes, nos réalités. On est dans de l’artisanat d’art plutôt que dans l’industrie. C’est aussi une structure paritaire qui pratique le dialogue en permanence, je trouve ça passionnant. 
La seule limite selon moi, c’est la notoriété insuffisante de l’association. J’espère que ces 30 ans seront l’occasion de mettre en lumière tout le travail réalisé et les succès obtenus.

D’où vient votre engagement auprès des plus fragiles ?

Dans ma carrière professionnelle, j’ai été confrontée un peu par hasard à la question de la maltraitance. Cette problématique m’a beaucoup touchée. Je m’y suis intéressée, j’ai eu envie d’aller plus loin et c’est comme ça que je me suis retrouvée embarquée dans cette aventure. Ensuite, en allant sur le terrain, j’ai eu la chance de rencontrer des personnes dites « vulnérables ». J’ai été admirative de tout ce qu’elles avaient à nous offrir : leur savoir, leur résilience, leur combativité, bien loin de la représentation que nous en avons. 

Quel regard portez-vous sur l’emploi des personnes en situation de handicap dans le secteur social et médico-social ?

Je dirais que notre secteur est loin d’être exemplaire en la matière et qu’il a besoin d’être encouragé. On voit encore trop souvent le handicap comme une fragilité, un empêchement, une difficulté. Ce discours compassionnel prône parfois l’inclusion des personnes en situation handicap comme un devoir qu’on ferait au nom de certaines valeurs d’entraide et de solidarité. Je défends au contraire une vision positive du handicap. L’inclusion des personnes en situation handicap n’est ni un boulet, ni un devoir mais bien une chance ! Nous avons besoin d’elles dans nos entreprises. Une personne en situation de handicap développe des trésors de compétences et des ressources incroyables : compétences relationnelles, empathie, faculté d’adaptation, imagination, réactions rapides aux imprévus… Par son parcours, elle porte en elle des forces de résilience. Dans nos métiers, où la principale valeur est l’entrée en relation et la faculté de mise en confiance, ces compétences sont essentielles, tout autant que les savoir-faire techniques ou en complément de tous les diplômes. 
Une personne en situation de handicap peut être un médiateur pour les personnes que nous accompagnons au quotidien. Sa compréhension des problématiques, son savoir expérientiel sont très précieux quand il s’agit, par exemple, d’accompagner une personne après une hospitalisation lors d’un retour à domicile. 
Ce discours nouveau sur le handicap commence à être entendu, mais il reste encore minoritaire.

Quelle serait votre vision idéale, dans 15 ans, de l’emploi des personnes en situation de handicap dans notre secteur ?

Dans 15 ans, j’espère que la question du handicap ne se posera plus. Qu’on recrutera selon des compétences et des capacités, et non selon une fiche des postes et des compétences techniques. En réalité nous avons tous, personnes en situation de handicap ou non, des forces et des fragilités, des rapidités et des lenteurs. Les nouvelles organisations du travail ne fonctionnent plus avec un découpage de compétences, mais doivent permettre aux individus de s’exprimer et de s’accomplir. J’espère que notre secteur sera capable de prendre cette voie, pour gagner en attractivité.

Êtes-vous optimiste pour l’avenir ? 

Résolument. La crise du Covid a été une terrible mise à l’épreuve, mais aussi une occasion de construire des liens différents avec les personnes et avec leurs proches. Nous nous sommes tous découvert une commune vulnérabilité. Je crois que cela peut nous aider à construire une nouvelle vision du handicap et une nouvelle ambition : non pas compenser celui de l’autre, mais comprendre comment vivre avec tous nos handicaps et mieux reconnaître et faire grandir les ressources de chacun.

Propos recueillis à l'occasion des 30 ans de l'association Oeth en 2021. A l'époque du reportage, Alice Casagrande occupée la fonction de Présidente de la Commission pour la promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance des personnes vulnérables.

Portrait réalisé à l'occasion des 30 ans de l'association OETH en 2021.